Pour une histoire en abîme de la photographie. Un article d'Etienne Hatt dans le numéro d'Art Press #518 (février 2024).
Extrait de l'article :
« Les photographes ne seraient-ils pas leurs premiers historiens ? En posant cette question, je ne pense pas à celles et ceux qui, nombreux, délaissent temporairement ou plus durablement leur appareil photographique pour écrire des livres, à l'instar de Gisèle Freund, autrice du toujours utile Photographie et société (1974), mais à celles et ceux qui, encore plus nombreux, par leurs travaux de photographes, se font historiens, archivistes ou archéologues du médium. À travers leurs regards rétrospectifs, une exposition pourrait déployer une histoire en abîme de la photographie.
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Si l'on comprend aisément que les origines de leur médium, au double sens de commencements et de fondements, intéressent particulière ment les photographes, l'exposition pourrait néanmoins se poursuivre jusqu'à aujourd'hui en tirant les trois fils des histoires technique, artistique et culturelle de la photographie.
Nul doute que, comme vient de le rappeler son exposition à la galerie Christophe Gaillard, Isabelle Le Minh y aurait toute sa place.
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Cette riche exposition prolongeait une œuvre de près de 20 ans qui par court à grandes enjambées et dans tous les sens l'histoire de la photographie. Sans doute, ses travaux consacrés à l'obsolescence de l'argentique prennent-ils un tour plus mélancolique que des séries plus humoristiques ou ironiques comme la très connue Objektiv, After Bernd & Hilla Becher (2015-17), qui détournait l'objectivité des deux Allemands en juxtaposant des vues frontales et dépouillées d'objectifs photographiques ayant l'allure de leurs célèbres châteaux d'eau.
Mais ils prouvent la justesse de cette artiste capable d'inventer des formes qui, toujours diffé rentes et toujours adaptées à ses sujets qu'elles font bien plus qu'illus trer, donnent à voir ce qu'un texte d'historien dans un ouvrage ou un do cument dans une exposition peine raient parfois à transmettre. C'est d'ailleurs dans cet écart que réside tout l'intérêt d'une histoire en abîme de la photographie. »